Gautier FERRERO : Rasah
Poursuivant sa programmation au service d’une nouvelle scène contemporaine résolument tournée vers la peinture, la galerie Catherine Issert convie Gautier Ferrero pour une exposition personnelle à partir du 15 février. Celle-ci mettra en lumière sa production la plus récente, vouée à la couleur, dans une abstraction lumineuse laissant éclater sur la toile des compositions aussi foisonnantes que maîtrisées. Marqué par un parcours du côté de la philosophie et de l’anthropologie, passionné de spiritualités orientales, Gautier Ferrero se consacre désormais à une pratique intuitive et fait circuler dans l’espace un souffle d’énergies vitales, en un libre jeu réjouissant. Ses peintures, au centre de cette présentation, viennent dialoguer avec ses œuvres sur papier, collages, céramiques et travail du bronze, invitant à voyager au cœur d’un vaste territoire créatif.
Pursuing its program dedicated to a new contemporary scene with a firm focus on painting, the Galerie Catherine Issert has invited Gautier Ferrero to present a one-man show from February 15th. It will stage his most recent production devoted to colour in luminous abstraction, allowing rich and expertly mastered compositions to bloom on the canvas. Marked by a career centered around philosophy and anthropology, with a deep passion for oriental spiritualities, Gautier Ferrero has now adopted an intuitive approach and conjures up a breath of vital energies to circulate in each space in unrestrained, uplifting playfulness. At the heart of this presentation, his paintings maintain a dialogue with his works on paper, collages, ceramics, and work on bronze, inviting viewers to travel to the heart of a vast area of creativity.
GAUTIER FERRERO
Rasah
15 02 25 > 19 04 25
La fluidité d’une touche d’acrylique vient répondre aux empâtements de l’huile sur la toile de jute. Des langues de bleu-noir profond défient des formes rondes aux teintes enveloppantes — rouge tomate, vert d’eau désaltérant, bleu enfantin. À l’évidence, Gautier Ferrero (né à Nice en 1983) sait se jouer des contradictions, et fait son miel des contrepoints. C’est la musicalité de la peinture qui le fascine — il confie d’ailleurs volontiers sa passion pour Paul Klee ou l’orphisme —, et ses œuvres écrivent ensemble une étonnante partition de couleurs et de matières. Il évolue dans un lâcher- prise communicatif, improvise, tout en atteignant une finesse de composition qui émeut. Le voici tel le musicien ou le joueur : sous le sceau du partage, sa liberté et son plaisir de faire se déploient avec jubilation, mais dans la maîtrise, et sans ignorer certaines règles.
Ces règles, ce sont celles de la nature, de la vie qui bat dans chaque corps, du souffle qui anime les êtres. Il faut se pencher sur son parcours pour les comprendre. D’abord formé en philosophie grecque, Gautier Ferrero se passionne ensuite pour les spiritualités orientales, jusqu’à mener des études anthropologiques sur le bouddhisme zen et la religion hindoue, en s’intéressant plus spécifiquement aux états de conscience dans la pratique du yoga. À partir de ce bagage spirituel et intellectuel, il développe une connexion toute particulière au corps, se défait de la traditionnelle séparation de la matière et de l’esprit qui façonne la vision occidentale, tend à une perception non duelle, et revient au plaisir physique de créer. Tout est fluidité, énergie : c’est une force vitale qu’il laisse advenir sur la toile, pour capturer au vol des structures colorées harmonieuses. Chamane ou sorcier, il fait circuler les formes et les couleurs, se faisant l’interprète de principes internes d’ordre et de beauté.
Si des visages affleurent à la surface de ses œuvres sur papier, lesquelles présentent de surprenantes géographies imaginaires dressées au crayon ou au fusain, ou si des figures zoomorphes émergent de ses céramiques, son travail le plus récent, qui s’épanouit dans la peinture, tend à une abstraction pure. L’abandon de tout principe figuratif laisse cependant place à une figure radicalement autre : il s’agit pour l’artiste de mettre au monde une unité organique parfaitement cohérente. Cette capacité à donner vie à des structures singulières qui imposent leur évidence se perçoit aussi bien dans son travail de la céramique que dans ses fontaines de bronze aux lignes libres et sinueuses, à mi-chemin entre l’animal et le végétal. L’eau qui y coule prolonge le dessin et traduit l’élan créatif ; son scintillement et son murmure révèlent une présence vivante et émotive, ouvrant un paysage tactile et sonore. De cette vitalité en circulation, il résulte une expérience synesthésique sans pareille. Le jeu des matières et des éléments — l’eau, la terre, le métal, ou bien encore les papiers krafts et les bouts de carton çà et là brûlés de ses collages — parle à nos mains.
On pourra deviner dans le travail de Gautier Ferrero des échos et des hommages à diverses filiations, à la croisée des âges pionniers de l’abstraction et de l’expressionnisme américain, en passant par l’Arte Povera. L’artiste se joue pourtant de ces traditions, les déjoue, émancipé, éclectique, avouant avec innocence sa fascination pour la préhistoire, le paysagisme ou les langues orientales. Seule l’énergie demeure. Elle se propage dans l’espace d’exposition, monte comme une sève, nous laissant savourer le libre jeu de nos sensations et de nos imaginations.
Elsa Hougues
The fluidity of a touch of acrylic paint contrasts with the slurred effect of oil on jute canvas. Dark strips of blue-black defy round shapes in enveloping shades - tomato red, thirst-quenching sea green, the blue of childhood. Born in Nice in 1983, Gautier Ferrero clearly knows how to play on contradictions and make good use of contrasts. He is fascinated by the musicality of painting - and in fact willingly shares his passion for Paul Klee or Orphic Cubism -, and all his works orchestrate a surprising score of colour and matter. He evolves by "letting go" to encourage communication, and improvises in his compositions while achieving finesse, which moves the viewer. He is thus a musician or player: bearing the banner of sharing, his freedom and enjoyment of creation unfurl with jubilation, but also mastery, without ignoring certain rules.
These rules are those of nature, of life which throbs in each body, of breath that animates all beings. One needs to study his path to understand them. After completing his studies in Greek philosophy, Gautier Ferrero became fascinated by oriental spirituality to the point of pursuing anthropological studies in Zen Buddhism and Hindu religion, becoming more specifically interested in states of consciousness in the practice of yoga. From this spiritual and intellectual baggage, he developed a very special connection with the body, breaking free from the traditional separation of matter and mind that fashions our vision in the West, then tending towards non-dual perception, and returning to the physical enjoyment of creating. It is all about fluidity, energy: a vital force he allows to appear on the canvas, capturing harmonious, colourful structures in flight. A shaman or magician, he sets forms and colours in circulation, becoming the interpretor of the internal principles of order and beauty.
While faces appear on the surface of his works on paper, presenting astonishing, imaginary geographies in pencil or charcoal, or while zoomorphic figures emerge from his ceramics, his most recent work in the form of painting tends towards pure abstraction. By abandoning all figurative principles, this work nevertheless leaves room for a figure which is radically different: the artist delivers a perfectly coherent organic entity. This ability to imbue life into singular structures which impose their self-evidence can be detected in both his work with ceramics and his bronze fountains, in sinuous, free lines, midway between the animal and vegetal worlds. Water flowing here extends the design and expresses the creative impulse; its sparkle and murmuring reveal a living, emotional presence, opening up a tactile and audible landscape. This vitality in circulation gives rise to an unparalleled synesthetic experience. The play on matter and the elements - water, earth, metal, or even brown paper and bits of burnt cardboard here and there in his collages - speaks to our hands.
In the work of Gautier Ferrero, one can decipher echoes of, and tributes to, diverse filiations at the crossroads between pioneering ages in abstract art and American Expressionism, via Arte Povera. Emancipated, eclectic, the artist plays on these traditions, outwitting them, admitting with innocence his fascination with prehistory, landscaping and eastern languages. Only energy remains. It reverberates in the exhibition space, rises like sap, enabling us to savour the free play of our sensations and imagination.