Yayoï GUNJI: A dream within a dream
Yayoï Gunji, “A dream within a Dream”
Du 16 décembre 2023 au 10 février 2024
Galerie Catherine Issert, Saint-Paul-de-Vence
Deux ans après « Mirror Flower, Water Moon », Yayoï Gunji réinvestit les espaces de la galerie Catherine Issert pour une nouvelle exposition résolument ancrée dans la peinture. En regard de dessins, sa production picturale la plus récente, qui se déploie désormais sur grand format, se voit mise à l’honneur. D’une touche libre et singulière, et dans un chromatisme étonnant, l’artiste révèle un univers poétique et intime, nimbé de mythologies personnelles. Entre figuration et art de l’ornement, c’est tout un monde fantastique, fait de la matière même des rêves, qui prend corps.
« Le dessin et le tableau […] sont le dedans du dehors et le dehors du dedans, que rend possible la duplicité du sentir. » (Maurice Merleau-Ponty, L’Œil et l’Esprit)
On aperçoit une maison, un temple, un pont, puis une balustrade, un balcon. Dans les peintures de Yayoï Gunji, les éléments d’architecture sont omniprésents. Ils n’ont cependant pas pour rôle d’ancrer le regard ; bien au contraire. Les perspectives se dérobent, les échelles demeurent insaisissables. Nous voici dans l’espace de l’imaginaire, celui qui ne saurait être soumis au principe de non-contradiction : le proche peut être loin ; le dehors, dedans. La matière picturale même ressemble à celle des rêves. Dense et pourtant transparente, impénétrable mais enveloppante,
elle est une concrétion de sensations, de sentiments, de souvenirs. Le motif récurrent de la fenêtre symbolise cet étrange empiétement de l’intime sur le monde et du monde sur l’intime. De ces intérieurs oniriques, avec ces rideaux évanescents ou ce fauteuil à la présence fantomatique, nous nous trouvons embarqués vers notre intériorité – et celle de l’artiste.
À regarder ces « images du monde flottant », figures de l’impermanence, on devine les terres d’élection de cette artiste d’ascendance japonaise, née à Cluny en 1969, Installée à Nice depuis de nombreuses années. Son répertoire de formes réinvente les souvenirs d’un Japon fantasmé, nourri d’un univers que l’on pressent tout méditerranéen. Bonnard, qu’elle affectionne, n’avait-il pas en son temps tissé ses rêveries extrême-orientales au fil de la Riviera ? Une fois de plus se dessinent de surprenants passages, entre les époques et les lieux : des palmiers aux accents dufyens nous transportent sur une Côte d’Azur Belle Époque, tandis qu’une cascade et un pin nous renverraient volontiers à un Japon traditionnel, le tout conjugué sur le mode d’une âpreté contemporaine sans concession.
Ce qui lie ces deux territoires, côte ou île, c’est le rivage. Au même titre que la végétation qui envahit ses toiles – arbres, fleurs, pétales –, la mer, avec sa force symbolique et picturale, a toute son importance pour la nageuse passionnée qu’est Yayoï Gunji. L’élément liquide, la fluidité, demeurent déterminants dans sa technique. Elle apprécie l’aquarelle, qui nourrit le geste de la peinture, et dont elle imite parfois sur la toile les ondulations par sa maîtrise de l’acrylique, appliquée tantôt en couches fines et transparentes, tantôt en rudes touches épaisses. Son chromatisme est troublant, et lui aussi tout en contrepoints. Les tons pastel – vieux rose, jaune paille, vert d’eau – contribuent à l’onirisme des scènes, quand des couleurs féroces, pourpre ou rouge coquelicot, viennent frapper la rétine sans pour autant nous sortir du rêve.
La tension entre surface et profondeur est permanente, et cette picturalité se dévore comme celle d’une toile abstraite : face à cette richesse ornementale qui nous fait souvent oublier le motif, on ne peut s’empêcher de penser à Matisse dans sa période niçoise, Matisse dont la muse, Lydia Delectorskaya, apparaît au centre d’un tableau dans une aura énigmatique.
Formée à la Villa Arson à Nice dans les années 1990 puis à la School of Visual Arts de New York, Yayoï Gunji n’en est pas moins restée farouchement libre, et inclassable. Quand on lui demande qui a marqué son regard, elle cite aussi bien Peter Doig et Katherine Bradford qu’Édouard Vuillard. On l’aura compris : celle qui se destinait d’abord à devenir pianiste a plusieurs vies, habite plusieurs temps, et ne connaît pas de frontières. Elle trace, déterminée, un sillon tout en hardiesse.
Elsa HOUGUE
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Two years after "Mirror Flower, Water Moon", Yayoï Gunji is joining the Galerie Catherine Issert for a new exhibition firmly anchored in painting. Along with drawings, her most recent pictorial production, now presented in large format, is awarded a place of honour. With a free and highly distinctive touch, and in striking colours, the artist reveals an intimate, poetic world, imbued with personal mythologies. Between figurative art and that of ornamentation, a world full of fantasy takes shape, composed of the very substance of dreams.
"Drawing and painting […] are the inside of out and the outside of in, made possible by the duplicity of feeling." (Maurice Merleau-Ponty, L’Œil et l’Esprit)
You catch a glimpse of a house, a temple, a bridge, then a balustrade, a balcony. In Yayoï Gunji's paintings, architectural features are omnipresent. Their role, however,
is not to fix your gaze; quite the opposite. Perspectives slip away, scale becomes elusive. Here, we are in the realm of the imaginary, which cannot be subjected to the principle of non-contradiction: near can be far, outside in. Even the pictorial matter resembles that of dreams. Dense yet transparent, impenetrable but enveloping, it is a physical rendering of sensations, feelings, souvenirs. The recurrent motif of the window symbolizes this strange encroachment of intimacy on the outside world, and that of the world on intimacy. From these dreamlike interiors with evanescent curtains or an armchair with a ghostly presence, we find ourselves transported towards our inner selves – and that of the artist.
When looking at these "images of the floating world", figures of impermanence, we can guess the chosen lands of this artist of Japanese descent, born in Cluny in 1969, living in Nice for many years. Her repertory of forms reinvents the memories of a fantasized Japan, nourished by a world we sense as being entirely Mediterranean. In his day, Bonnard, of whom she is fond, did he not weave his Far Eastern reveries with the thread of the Riviera? Once again, surprising passages connect times and places: palm trees with a Dufy accent take us to the Côte d’Azur in the "Belle Époque", while a waterfall and pine tree gladly transport us to a traditional Japan, all united in the manner of unreserved contemporary harshness.
What links these two territories, coast or island, is the shore. Together with vegetation, which invades her canvases - trees, flowers, petals -, the sea with its symbolic and pictorial force retains all its importance for Yayoï Gunji, a dedicated swimmer.
The liquid element, fluidity, are decisive factors in her technique. She appreciates watercolour, which nourishes the gestures of painting, and whose undulations she frequently imitates on her canvas thanks to her mastery of acrylic paint, sometimes applied in thin, transparent layers, sometimes in thick, rough strokes. Also full of contrasts, her use of colour is unsettling. Pastel shades – old rose, straw yellow, sea green – contribute to the dreamlike quality of the scenes, while vivid colours, purple or poppy red, catch the retina without, however, jolting us from the dream. Tension between surface and depth is on-going, and we feast upon this pictorial aspect like that of an abstract artwork: faced by this ornamental richness often making us forget the subject, we cannot help but think of Matisse in his Niçois period, Matisse, whose muse, Lydia Delectorskaya, appears in the centre of a painting in an enigmatic aura.
A student at the Villa Arson in Nice in the 1990's, then at the School of Visual Arts in New York, Yayoï Gunji has nevertheless remained resolutely free, and unclassifiable. When asked who has made an impression on her, she mentions Peter Doig and Katherine Bradford, but also Édouard Vuillard. It is understandable: she who was first set to become a pianist has several lives, inhabits several eras, and knows no frontiers. With real determination, she is ploughing a bold furrow.
Elsa HOUGUE
Traduction : Jill HARRY
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Yayoï GUNJIThe mirror pool , 2023130 x 97 cm
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Yayoï GUNJIShell tides, 202361 x 50 cm
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Yayoï GUNJILa piscine , 202246 x 33 cm
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Yayoï GUNJI, Lazy calm, 2023
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Yayoï GUNJI, Plantorama, 2023
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Yayoï GUNJIHidden place , 2023146 x 114 cm
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Yayoï GUNJI, Keep on pushing, 2023
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Yayoï GUNJI, Exit 5, 2023
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Yayoï GUNJI, Roya flow, 2023
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Yayoï GUNJI, Kamakura, 2023
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Yayoï GUNJIChez Faustine, 202035,5 x 25 cm
non encadré -
Yayoï GUNJIAkagi , 202361 x 50 cm
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Yayoï GUNJI, Fink Monet, 2023
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Yayoï GUNJIGlasswork, 202341 x 33 cm
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Yayoï GUNJI, Gunma, 2023
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Yayoï GUNJI, Un bouquet d’oeillets, 2023
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Yayoï GUNJI, Jade vision, 2023
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Yayoï GUNJI, St Jean / Mont Fuji , 2023
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Yayoï GUNJI, Sur le chemin, 2023
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Yayoï GUNJIDon’t check your inbox today, 202341 x 33 cm
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Yayoï GUNJI, De la nuit, 2023
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Yayoï GUNJI, 7 ri beach over Kyoto, 2023
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Yayoï GUNJI, Jacqueline , 2023
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Yayoï GUNJI, Dream within a dream , 2023
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Yayoï GUNJI, Life’s what you make it , 2023
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Yayoï GUNJI, Steady calm , 2023
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Yayoï GUNJI, The window, 2023
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Yayoï GUNJI, The diver, 2021
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Yayoï Gunji, vue de l'exposition : A dream within a dream, 2023, © François Fernandez
Courtesy de l'artiste et de la galerie Catherine Issert
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Yayoï Gunji, vue de l'exposition : A dream within a dream, 2023
Courtesy de l'artiste et de la galerie Catherine Issert
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Yayoï Gunji, vue de l'exposition : A dream within a dream, 2023
Courtesy de l'artiste et de la galerie Catherine Issert