Mathieu SCHMITT: songs without words
Un salon de musique
S’il est un travail qui éveille la curiosité et fascine à la fois, c’est bien celui de Mathieu Schmitt. Pour la galerie Catherine Issert, l’artiste a savamment construit une installation sonore et visuelle sans nécessairement dissimuler les moyens de sa réalisation. Il n’en demeure pas moins qu’on cherchera à s’expliquer songs without words, à percer l’intelligence du système et à remonter aux impulsions premières. Un moteur derrière l’assemblage ? Ou seulement des entités reliées entre elles ? Et, si compatibilité il y a entre les « objets » en présence, selon quelle loi exactement ? Des procédés aux procédures élaborés par l’artiste, on se posera ces questions ; à moins que, pris par la force plastique de la composition ainsi établie, on décide de se laisser porter par la part du sensible qui s’en dégage, installé confortablement dans ce que Mathieu Schmitt a également imaginé pour le public : une sorte de salon de musique où il fait bon méditer sur ses propres sensations, outre l’alliance réussie de l’art et de la technologie. Car l’artiste a tout orchestré sans en avoir l’air, de la programmation des cartes arduino qui logent dans ses sculptures jusqu’à l’atmosphère. La visite de son atelier, lieu de création où l’intelligence s’exerce et joue avec le matériel à disposition, en est le signe patent.
Aristote avait reconnu aux végétaux une âme rudimentaire, mais une âme tout de même. Mathieu Schmitt, pour sa part, aime introduire l’idée que les cactées pourraient « sentir » et même, posséder un sens esthétique, s’adonnant au plaisir d’improvisations musicales où des nappes sonores se répondent en d’étranges harmonies. Et que penser des ordinateurs actuels qui, dans le sillage de ceux de Manfred Mohr ou d’autres pionniers du numérique (l’artiste connaît ses classiques !) seraient capables, à partir de data recueillies dans des sociétés informatiques de pointe, de générer des images « À la manière de » ? Sans compter les « parades » ou espèces de chorégraphies auxquelles se livrent ces éléments de robotique que l’artiste a su équiper de webcam selon l’humour qui est le sien. Mais qu’on ne s’y trompe pas, si on se sent attiré pas ces dispositifs, c’est moins par une familiarité croissante avec le monde de la technologie, ou par la connaissance de certaines avancées scientifiques concernant le vivant par exemple, que par ce qui s’y opère : une forme de réconciliation avec notre temps, réconciliation faussement naïve évidemment !
Ondine Bréaud-Holland
Décembre 2021
______________________
A music room
If ever there were works that rouse curiosity and fascinate at the same time, they would indeed be those of Mathieu Schmitt. For the Galerie Catherine Issert, the artist has skilfully built a sound-and-vision installation without necessarily hidng the methods employed. It is nevertheless true that people will try to explain to themselves songs without words, to understand how the system works and identify its original motivation. Is there a motor behind the assembly? Or simply entities that are interconnected? And if there is compatibility between the "objects" presented, which law does it follow, exactly? From processes to procedures developed by the artist, these questions will be asked; unless, captivated by the material impact of the composition thus achieved, we decide to let ourselves be borne along by the element of sensitivity that is conveyed, comfortably installed in what Mathieu Schmitt has also designed for the audience: a kind of music room in which to enjoy meditating on our feelings, as well as on this successful blend of art and technology. For the artist has orchestrated everything without appearing to do so, from the atmosphere to the programming of Arduino boards hosted by his sculptures. A visit to his studio, a place of creation where intelligence is applied and plays with the material available, makes this patently clear.
Aristotle attributed a rudimentary soul to plants, but a soul nevertheless. For his part, Mathieu Schmitt likes to introduce the idea that cacti may be able to "feel" and even have a sense of esthetics, enjoying the pleasure of musical improvisations in which waves of sound respond to each other in strange harmonies. And what should we think of present-day computers which, in the wake of those of Manfred Mohr and other pioneers in the digital world (the artist is well-acquainted with the classics!), are apparently capable of generating images "In the manner of…", using data obtained from cutting-edge IT companies. Not forgetting "parades" or kinds of choreography in which these elements of robotics engage, elements that the artist has managed to equip with a webcam depending on his personal humour. Though let's not be mistaken, if we feel drawn by these devices, it is not so much due to our increasing familiarity with the world of technology, or our knowledge of certain scientific advances concerning the living, for instance, than to what they produce: a kind of reconciliation with our day and age, reconciliation which is, of course, falsely naive!
Ondine Bréaud-Holland
December, 2021