Alexandre DUFAYE: Entre-deux
Entre-deux Le travail photographique d’Alexandre Dufaye se situe dans un jeu de distances. Nous sommes projetés au plus proche du sujet, dans une intimité, pourtant floutée. Et ce n’est qu’en nous écartant que notre vision se définit, que le sujet se révèle. Tout est mis en scène dans l’interstice entre proche et lointain, clair et confus. Le paradoxe de la distance est qu’à mesure que nous nous éloignons, la réalité devient plus saisissable, plus proche en un sens. La fascination veut aller au plus près, quitte à se confondre avec l’objet de son regard. Ce faisant elle devient floue et indistincte. Il faut faire un pas en retrait pour retrouver la lucidité. Vouloir trop se rapprocher signifie perdre clarté et définition. Les photographies rendent tangible cet entre-deux, condition de notre perception. Le paradoxe focal est illustré dans ses multiples résonnances. L’espace affectif de la relation avec le fils est mis en scène. Vouloir saisir ses derniers moments dans la maison familiale n’est pas seulement le vouloir garder, mais tout en même temps, comme entériner son départ, le précipiter même peut-être. Retenir est aussi une façon de marquer une distance. Savoir quitter permet de se rapprocher. La distance est aussi temporelle. Le moment que l’on fixe changera de sens, se révélera. Le monde qui est ici montré est celui où rien n’est définitivement installé, un monde où l’on saisit l’éphémère, la lumière, quitte à ce qu’elle fasse disparaître ce qu’on pouvait croire définitivement acquis, et faire apparaître ce qui était potentiel. C’est la mise en abyme de la réalité elle-même : l’indistinct est ouverture à la rêverie. Nous nous situons en vis-àvis avec un imaginaire esthétique. Les sujets (portraits, perspectives et paysages, natures mortes) jouent avec les constructions très classiques de la peinture. Le flou dont se tisse le réel l’enrichit des références que je peux y voir, il ouvre des interstices où se glissent ma mémoire, l’autre, l’ailleurs. C’est aussi le paradoxe de la photographie qui cache et montre à la fois. Le flou qui exhibe et efface. L’intime est abordé avec une pudeur extrême, une pudeur peut-être plus dérangeante encore que si les photos étaient nettes. Le réel s’exhibe et se dérobe aussitôt. La photographie ne prend plus mais effleure. L’intime est flouté-floué : montré-caché, l’intime se joue des contours et déjoue le reproche de l’exhibition : On ne voit rien. On est floué. Le point de vue du spectateur installe alors un bras de fer avec l’artiste : « Mais montre-le ! … » Le photographe dévoile mais protège, donne et prend. Il dévoile le modèle mais le flou protège le fils. Le regard qui ne saisit plus les contours, devient indéfini, nous invite à une distance qui ouvre sur une autre compréhension. La photographie accueille ainsi ce qui habituellement pourrait lui échapper : la réalité de l’autre, la temporalité qu’elle prétend figer. Plutôt que de réduire son objet, elle ouvre un espace de jeu où se situe notre perception de la réalité. D’après un texte de Jérôme Jardry, 2018
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Alexandre DUFAYE
Entre-deux
Galerie Catherine Issert
© Anthonny Lanneretonne
2018
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Alexandre DUFAYE
Entre-deux
Galerie Catherine Issert
© Anthonny Lanneretonne
2018
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Alexandre DUFAYE
Entre-deux
Galerie Catherine Issert
© Anthonny Lanneretonne
2018
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Alexandre DUFAYE
Entre-deux
Galerie Catherine Issert
© Anthonny Lanneretonne
2018
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Alexandre DUFAYE
Entre-deux
Galerie Catherine Issert
© Anthonny Lanneretonne
2018
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Alexandre DUFAYE
Entre-deux
Galerie Catherine Issert
© Anthonny Lanneretonne
2018
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Alexandre DUFAYE
Entre-deux
Galerie Catherine Issert
© Anthonny Lanneretonne
2018
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Alexandre DUFAYE
Entre-deux
Galerie Catherine Issert
© Anthonny Lanneretonne
2018
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Alexandre DUFAYE
Entre-deux
Galerie Catherine Issert
© Anthonny Lanneretonne
2018
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Alexandre DUFAYE
Entre-deux
Galerie Catherine Issert
© Anthonny Lanneretonne
2018
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Alexandre DUFAYE
Entre-deux
Galerie Catherine Issert
© Anthonny Lanneretonne
2018
Dans le cadre des expositions «Plateforme», la galerie Catherine Issert invite Alexandre Dufaye à présenter quatre séries de photographies récentes.
ENTRE-DEUX
Dix-huit photographies, pensées comme une trame essentielle. Stimuler l’imagination de celui qui regarde, étirer le regard du réel à l’infini, saisir un monde familier jusqu’à l’abstraction, Alexandre Dufaye se plie à cet exercice avec une
discipline révélatrice de la perfection qu’il souhaite voir en toute chose. En éditeur qui scrute l’image, l’analyse et la décompose, il saisit au fil des années ce qu’un travail séquencé apporte à une narration. En photographe de l’intime, il scelle des instants de vérité. Le noir est une absence. Le temps suspendu au départ de son fils, à son envol de jeune adulte sont autant d’images - ponctuation où l’emportent la douceur, les gestes simples et les objets qui rythment le quotidien. Entre le fils et le père, la chronique photo tisse un lien aux contours qui s’estompent. À l’image de ce
portrait flou, l’imprécision choisie sature le souvenir d’un temps achevé. Voile pudique sur une construction faite de noirs denses et de profondeurs mates et bleutées, l’espace-temps devient texture. Une densité picturale, autant de fragments et variations d’une rigueur esthétique qui filtre l’instantané.
CRESCENDO
Sept photographies se jouent de la représentation. Arles au loin, rencontre avec un paysage expérimental saturé de photographie. Le flou de mise au point abolit l’époque et le temps. L’oblitération de l’image dissout le pont comme on gomme un rituel de passage.
CROISÉE
Dix photographies. Le jour se lève et dessine un contour. Observer, cadrer l’espace comme une œuvre ouverte et quelle que soit sa géographie, en extraire une densité. L’ombre noire synthétise une forme de silence visuel. Le vocabulaire du photographe est contenu dans sa lumière occultée. Moment d’éternité.
PAYSAGE FRANCAIS
Dix images défilent. Autonomes dans leur capacité à représenter un paysage, elles s’étirent éphémères à la vitesse du rail, jusqu’à ce que les formes deviennent signes. Saisies dans un instantané qui refuse le constat, traverser la France avec la fugacité de l’instant a un goût de bout du monde.
Cécile Vaiarelli, 2018