Gérard TRAQUANDI: À double détente, en regard de Hans Hartung
Pour sa première exposition à la galerie, nous souhaitions proposer à Gérard Traquandi de dévoiler la multiplicité de son travail jouant de la relation entre les différentes disciplines qu’il pratique. Comment les médiums gardent leur autonomie en révélant le même regard qui cultive la sensation plus qu’il ne cherche à transcrire le réel. Gérard Traquandi prépare ses “jus”, pose ses couleurs sur une toile à un degré précis d’imprégnation, sculpte la terre, se confronte à des processus de vitesse, invente “des trucs” pour mieux transcrire son ressenti face à l’observation de ce qui capte son regard.
La peinture de Gérard Traquandi qui a l’intelligence de l’histoire s’intéresse à retranscrire les sensations que lui procurent l’observation de la nature, les couleurs assourdies et subtiles soutiennent la résurgence de la lumière.
La céramique se fait le relai de l’impression entre l’art de la volute et du motif végétal. Ce travail prend vie avec la complicité d’artisans-potier (Poterie Ravel).
La photographie développée selon une technique ancienne (la gomme bichromatée et le résino-pigment type) révèle des motifs floraux et des sous-bois dans des gris et des noirs veloutés. Gérard Traquandi qui possède un atelier à Paris affectionne plus particulièrement la lumière du midi, c’est à Aix-en-Provence qu’il peint.
En 2008, la Fondation Maeght consacre une exposition à Hans Hartung. À cette occasion, GérardTraquandi révèle à Catherine Issert les affinités existantes entre son oeuvre et celle de Hartung. De ce dialogue est née l’idée d’imaginer une exposition qui mettrait en regard leurs pratiques ; huit ans plus tard, la voici : À double détente sera présentée à la galerie Catherine Issert du 9 juillet au 3 septembre 2016.
Lorsque les tableaux de Hartung regardent les oeuvres deTraquandi,des connivences d’ateliers, des gestes, un certain regard sur la matérialité du monde émergent pour créer un dialogue artis- tique et esthétique fort. Les abstractions traversées de mouvements glissants de Traquandi croisent les gestes lyriques et dynamiques de Hartung ; leur rencontre génère des sensations faites de couleur et de rythme qui nous amène au coeur d’un monde naturel vibrant et profond. Tous deux sont des peintres du geste, du faire : leurs tableaux émergent d’une approche sensuelle et processuelle de la peinture. Si Hartung, fasciné depuis l’enfance par les manifesta- tions météorologiques comme les éclairs, cherchait dans ses oeuvres à traduire l’énergie et les rayonnements de l’univers,Traquandi en conserve une approche plus humaine. Sa fascination pour le paysage l’amène à créer des peintures dans lesquelles une roche, des fleurs, une plante ressurgissent sous forme de traces ou d’empreintes.
Le rapport au temps qu’entretiennent les 2 artistes est semblable dans leur approche du proces- sus.Tous deux travaillent patiemment leurs fonds sur de grands formats, qui de par la lenteur du procédé acquièrent une profondeur intérieure qui « pose » le tableau. Par dessus ces fonds savamment travaillés sont apposés des gestes rapides dans un temps très court. Cette « double détente » est précisément ce qui construit, pour chacun de ces peintres, l’oeuvre. Pas de repentir possible avec cette technique : soit le tableau existe, et cela dans un instant décisif et un espace précis, soit il n’est pas. Pour Hartung, cela se joue dans « les miracles de ces passages presque imperceptibles où la pureté des couleurs reste intacte mais où elles se fondent (...)1 ». Pour Traquandi, c’est un moment où l’oeuvre le dépasse : « quand un tableau est beau, il n’a pas d’auteur 2 ».
1 Hans Hartung, l’oeuvre ultime, Galerie Sapone, 2007
2 Contact, trace, tracé, Baldine Saint Girons, in Gérard Traquandi, oeuvres – 01.2009, 04.2012, Editions P.
2008, the Maeght Foundation devoted an exhibition to Hans Hartung. On this occasion, Gérard Traquandi pointed out the affinities between his work and that of Hartung to Catherine Issert. This dialogue prompted the idea of staging an exhibition which would compare their approaches. Eight years later, here it is : the exhibition "À double détente" will be presented at the Galerie Catherine Issert from July 9th to September 3rd, 2016.
When Hartung's paintings are placed face to face with works by Traquandi, shared experiences in execution and gestures, and a certain vision of the physical nature of the world emerge, giving rise to a striking artistic and esthetic dialogue.Abstract works characterized byTraquandi's sliding movements are confronted by Harting's dynamic and lyrical gestures: their encounter elicits sensations provoked by colour and rhythm, taking us to the profound and vibrant core of the natural world. They are both artists who rely on gesture, their own physical way of painting: their works are the result of a sensual and procedural approach to painting.While Hartung, fascinated since childhood by meteorological manifestations such as lightning, sought to convey the energy and powerfulness of the universe in his work,Traquandi adopts a more humane approach to such phenomena. His fascination with landscapes leads him to create paintings in which a rock, plant or flowers emerge in the guise of traces or imprints.
In their approach to the process of creation, the relationship entertained with time by both artists is similar.They both work patiently on their backgounds in large formats which, due to the slowness of the process, acquire inner depth which "establishes the foundation" of the painting. On these skilfully laboured backgrounds, rapid gestures are then added over a very short period of time. For each of these painters, the work is precisely composed of this "double take". There is no time for repentance, no going back with this technique: either the painting comes into being, and this in a decisive instant and in a precise space, or it fails. For Hartung, it occurs in "the miracles of these almost imperceptible passages, in which the purity of the colours remains intact, but into which they melt (...)"1. For Traquandi, it is a moment in which the work takes over: "When a painting is beautiful, it has no author"2.
1 "Hans Hartung, l'œuvre ultime", Galerie Sapone, 2007.
2 "Contact, trace, tracé", Baldine Saint Girons in "Gérard Traquandi, œuvres -01.2009, 04.2012", Editions P.