2+1: Pierre DESCAMPS, Mathieu SCHMITT, Xavier THEUNIS
Pierre Descamps, Mathieu Schmitt et Xavier Theunis sont tous trois issus de la Villa Arson. Défendus par Catherine Issert depuis leur sortie de l’école d’art niçoise, ils partagent un goût pour le formalisme et un sens économe de l’expression.
Evitant de se positionner sur un plan dialectique, l’exposition 2+1 propose une réponse originale à l’hétérogénéité de leurs pratiques : elle s’articule autour d’un module central, à la fois œuvre et ouvrage, sur lequel viennent se greffer d’autres œuvres pour la plupart inédites. 2+1 se construit donc à partir de juxtapositions et d’additions, créant un échange formel : en lieu et place d’un discours, l’espace d’exposition devient un espace fédérateur et formalisant dans lequel le rapport physique entre les œuvres construit des liens potentiels. Provoquant des combinaisons à sommes variables et variées, 2+1 ouvre de multiples chemins de pensée possible : tantôt orientés vers le minimalisme,le ready-made ou bien encore l’art conceptuel et l’art abstrait,ils révèlent l’appétence commune de ces jeunes artistes pour l’architecture, le design et la culture Pop.
Dans cette perspective, Pierre Descamps, Mathieu Schmitt et Xavier Theunis se sont particulièrement intéressés à ce qui précède toujours l’exposition : 2+1 évoque le transport des œuvres de l’atelier à la galerie. Les caisses deviennent des supports d’accroches frontales, se métamorphosant ainsi à la fois en cimaises et en sculptures minimalistes ; des rails d’arrimages, scandant la galerie de lignes métalliques, permettent la suspension de modules autonomes et viennent perturber le traditionnel white cube. Les œuvres accrochées sur ces dispositifs détournés convoquent elles aussi une esthétique du fonctionnel, de l’usage : tubes, béton et parpaings composent un réper toire formel oscillant entre concrétude et abstraction.
Pierre Descamps, Mathieu Schmitt and XavierTheunis all attended theVilla Arson. Represented by Catherine Issert since they left this art school in Nice, they share a taste for formalism and an economic sense of expression.
Avoiding taking a dialectic position, the exhibition 2+1 proposes an original response to the heterogeneous nature of their approaches: it revolves around a central module, both works and the work, to which other works are added, the majority hitherto unseen. 2+1 is thus built around juxtapositions and additions, creating a formal exchange: in place and stead of a statement, the exhibition space becomes a federating and formalising space in which the physical relationship between the works builds potential links. Giving rise to combinations of variable and varied sums, 2+1 opens up multiple paths of possible reflection: sometimes slanted towards minimalism, the ready-made, conceptual or abstract art, they reveal the partiality shared by these young artists for architecture, design and Pop culture.
In this respect, Pierre Descamps, Mathieu Schmitt and XavierTheunis took a special interest in what always precedes an exhibition: 2+1 evokes the transportation of the works from the studio to the gallery. Crates become supports of frontal fixtures, thus undergoing a metamorphosis to become both dados and minimalist sculptures; stowing rails, scanning the gallery with metallic lines, allowing for the suspension of autonomous modules, and disrupting the traditional white cube.The works hung on these hijacked devices also call upon the esthetics of what is functional, of everyday use: metal tubes, concrete and breeze blocks compose a formal repertory that swings from concrete substance to abstraction.
Pierre Descamps
Né en 1975 à Amiens
Vit et travaille à Berlin (Allemagne)
Dans son travail, Pierre Descamps tente d ́explorer un No Man ́s Land, une zone d ́union/friction entre différentes appréhensions que l ́on peut avoir des formes qu ́il produit, entre minimalisme, Ready-Made, et culture populaire. Il puise ses formes équivoques dans un registre urbain,et plus particulièrement dans l ́esthétique des villes industrielles occidentales, à l ́architecture brute et fonctionnelle, aux beautés glauques des H.L.M. et des zones abandonnées. Concrètement, ces modèles soufflent à chacun de ses objets des qualités plastiques réalistes lors de leur élaboration (format, matière, gestes, cadrage, présentation, etc. ...), et les guident jusque dans leur positionnement lors de leur exposition, ancrant définitivement leurs formes, leurs significations et leurs charges expressives à une banalité quotidienne assumée. Leur prétention d ́œuvre abstraite dans le contexte de l ́art contemporain s ́embourbe alors dans un jeu de va-et-vient permanent entre réalité, représentation, abstraction, et autodérision. Ainsi, en appuyant son travail sur des formes existantes qui permettent des connexions entre différentes cultures, Pierre Descamps tresse les histoires, les codes, les sens et les qualités plastiques de ses différents référents pour construire une méthode distante de réflexion artistique, et produit au final une abstraction ambivalente et cryptée.
Mathieu Schmitt
Né en 1981 à Thionville Vit et travaille à Nice
Mathieu Schmitt construit une pratique pluridisciplinaire dans laquelle l’interprétation des signaux (informatiques, électriques, radios, ...) dans leur fonctionnalité, leur potentialité et leur faillibilité jouent un rôle majeur. Il joue également avec les codes de l’art, du design et de l’architecture, en réinterprétant notamment le minimalisme, l’abstraction et l’art conceptuel. Les références sont ici des signes plastiques que l’artiste tisse entre eux (Armleder rencontre Duchamp qui dialogue avec Morellet qui questionne le Corbusier, etc ...). Cela pourrait porter à croire que Mathieu Schmitt compose ses œuvres avec une distance calculée, comme un algorithme (une suite finie d’opérations ou d’instructions permettant de résoudre un problème) : il n’en est rien. Car l’artiste aime gripper sa propre machine : en introduisant l’erreur, le bug, le glitch de manière volontaire dans son processus créatif, il produit des œuvres dans lesquelles il laisse place à la poésie et au mystère, un univers « para et post humain ». Ici, Heinz Von Foerster, père de la cybernétique et référence fondamentale pour cet artiste, dialogue avec Merleau- Ponty, père de la phénoménologie. Car Mathieu Schmitt actualise notre environnement sensible en y incluant l’intelligence artificielle, qu’il traite comme un phénomène à part entière et non pas uniquement comme un système mathématique. « Le monde tel que nous le percevons, disait Heinz Von Foerster, est de notre invention ».
Xavier Theunis
Né en 1978 à Anderlecht (Belgique) Vit et travaille à Nice
« Il semble que de tous les matériaux qu’il emploie, celui de la distance soit peut-être chez Xavier Theunis toujours le préalable. Dans son rapport au monde, à l’atelier ou à l’occasion d’une exposition, c’est d’abord à ce tout premier mouvement de désinvolture qu’il s’agit d’arracher une forme. De cette posture initiale agrégée à quelque opération de dérives et de relectures - frayant pareillement des paysagistes flamands au Bauhaus, guettant ailleurs les points de tensions de l’abstraction géométrique, l’allure ou le poids de la ligne dans l’architecture moderniste - la pratique garde l’épaisseur d’une mémoire qu’on perçoit comme déplacée.1» Chez lui, ces grands mouvements se mêlent et participent d’un répertoire transdisciplinaire, le display jouant alors souvent le rôle d’un espace formalisant. En travaillant principalement avec des matériaux issus de l’industrie (aluminium thermolaqué, adhésif, scotch, acier galvanisé, inox, médium), Xavier Theunis construit son corpus autour de la répétition et du double (deux caractéristiques de la production en chaîne), mais également autour du fragment, par le biais de la chute, du martyr, du résidu. Il produit selon ce que Michaël Fried nomme la « structure déductive2», car dans sa pratique « l’introduction d’une variation affecte l’ensemble de la série plutôt qu’une [œuvre] particulière ». La formalisation d’une problématique se traduit donc ici par la répétition d’un même geste, celui-ci ordonnant de longues séries toutes nommées « Sans titre » ; la distinction entre elles se faisant par l’indication d’un sujet entre parenthèses. Sa pratique est pluridisciplinaire et s’autorise des allers-retours entre des familles artistiques antonymiques : elle se doit d’être multiple parce qu’elle traduit un discours esthétique complexe, historicisant et pourtant décomplexé, compilant des couches successives d’indices formels, de références historiques et de sujets personnels, s’emboîtant les uns dans les autres jusqu’à former un tout cohérent, l’œuvre.
1 Communiqué de l’exposition Half Make Up, Half Lies, galerie Backslash, Paris, 2016 2 Michaël Fried « De l’antithéâtralité » in Contre La Théatralité, 2007
ABOUT THE ARTISTS
Pierre Descamps
Born in Amiens in 1975
Lives and works in Berlin (Germany)
In his work, Pierre Descamps attempts to explore a no man ́s land, a zone of union/friction between different apprehensions one might have of the forms he produces, between minimalism, the ready made, and popular culture. He takes his equivocal forms from an urban context, and more specifically from the esthetics of industrial towns in the West, with stark, functional architecture, the murky beauty of council housing and abandoned zones. In real terms, these models give each of his objects realistic plastic qualities when they are being created (format, material, gestures, framing, presentation etc...), and guide them as far as their positioning when they are placed on display, finally an choring their forms, meanings and expressive contentinfully-assumed everyday banality. Their claim to abstraction within the context of contemporary art then begins to flounder in a game of constant coming-and- going between reality, representation, abstraction, and self-derision. By underpinning his work on existing forms allowing for connections between different cultures, Pierre Descamps thus intertwines the stories, codes, senses and plastic qualities of his various references to create a distanced method of artistic reflection, producing in the end an ambivalent and scrambled abstraction.
Mathieu Schmitt
Born in Thionville in 1981 Lives and works in Nice
Mathieu Schmitt pursues a multi-disciplinary process in which the interpretation of signs (IT, electrical, radio...) in their functionality, potential and fallibility plays a major role. He also plays with the codes of art, design and architecture, notably by re-interpreting minimalism, abstract and conceptual art.The references here are plastic signs that the artist interconnects (Armleder meets Duchamp who enters into a dialogue with Morellet who questions Le Corbusier etc...).This could lead one to believe that Mathieu Schmitt composes his works from a calculated distance, rather like an algorithm (a finite series of operations or instructions enabling one to solve a problem): such is not the case. For the artist likes to jam his own machine: by voluntarily introducing an errror, a bug, a glitch, into his creative process, he produces works in which he leaves room for poetry and mystery, a « para- and post-human» world. Here, Heinz Von Foerster, the father of cybernetics and a fundamental reference for this artist, converses with Merleau-Ponty, father of phenomenology. Because Mathieu Schmitt updates the environment of our senses by injecting artificial intelligence, which he treats as a phenomenon in its own right and not solely as a mathematical system.«The world as we see it,» said HeinzVon Foerster,«is of our own invention».
Xavier Theunis
Born in Anderlecht (Belgium) in 1978 Lives and works in Nice
«It seems that, of all the materials he uses, that of distance is perhaps always a preamble for Xavier Theunis. In his relationship with the world, in the studio or on the occasion of an exhibition, it is initially a matter of this very first movement of casualness in taking hold of a form. From this initial posture accompanied by a kind of drifting and re- reading operation - ranging from Dutch landscape artists to the Bauhaus, looking elsewhere for points of tension in geometric abstraction, the flair or weight of a line in Modernist architecture -, the process retains the density of a memory perceived as displaced.1» In his work, these great movements mingle together and participte in a trans- disciplinary repertory, «display» then often playing the role of a formalising space. Mainly working with materials from industry (thermolacquered aluminium, adhesives, tape, galvanised or stainless steel, MDF board), Xavier Theunis builds the body of his work around repetition and doubling (two characteristics of chain production), but also around the fragment, as in pieces of scrap, martyrs, leftovers. He produces in keeping with what Michaël Fried calls the «deductive structure2», for in his approach «the introduction of a variation affects the entire series, rathet than a specific [work]».The formalisation of a problem is thus here expressed by the repetition of the same gesture, a gesture giving rise to long series all called «Untitled», the distinction between them indicated by a subject in brackets. His approach is multi-disciplinary, allowing itself to go back and forth between antonymic artistic families: it has to be multiple, because it translates a complex esthetic discourse, historicising yet free of any hang-ups, compiling successive layers of formal indexes, historic references and personal subjects, telescoped into each other to form a coherent whole, the work itself.
1 Press release for the exhibition Half Make Up, Half Lies, Galerie Backslash, Paris, 2016 2 Michaël Fried «De l’antithéâtralité» in Contre La Théatralité, 2007