Cécile BART: Le jour à l'envers
Cécile Bart poursuit une œuvre singulière qui met en scène tour à tour, la peinture, le jeu entre sa profondeur et sa surface, sa modulation par la lumière, le tableau comme écran, le regard et la place du spectateur. Ces dernières années, elle a considérablement élargi la palette de ses moyens d’intervention, tout en conservant l’outil d’investigation qu’elle avait mis au point dans la seconde moitié des années 1980 : les peintures/écrans.
Du Tergal « plein-jour », peint et essuyé de telle façon qu’il conserve une relative transparence, puis transféré sur un châssis métallique, constitue ce premier « outil » : c’était inventer une peinture qui laisse voir l’espace environnant, une peinture de situation, confrontée à la lumière du lieu qui l’accueille, à son ambiance, mais aussi et surtout au regard du spectateur. Chaque exposition de Cécile Bart se propose comme une expérience à vivre dans une certaine durée, différente pour chacun des visiteurs, invitant aux mouvements, aux déplacements latéraux, aux panoramiques, au jeu avec la profondeur de champ, bref aux effets de caméra.
Depuis la fin des années 1980, Cécile Bart produit des peintures/écrans, aériens monochromes aux couleurs changeantes et aux subtiles transparences. La peinture y est brossée et essuyée sur un voilage (un Tergal « plein jour »), lui-même collé sur un cadre métallique, que Cécile Bart dispose dans l’espace de manière à jouer avec la lumière environnante. Suspendues ou disposées dans l’espace, ces peintures/écrans s’offrent sous une variété de points de vues et invitent le spectateur à se déplacer pour en saisir toutes les nuances.
Pour Le jour à l’envers, sa nouvelle exposition personnelle, elle présente une sélection d’œuvres récentes et inédites. L’artiste fait ici un choix d’apparence classique, puisqu’elle présente ses peintures/écrans accrochées au mur, proposant ainsi une relecture très picturale de son œuvre.
Les toiles sont ici systématiquement collées sur leur envers, révélant les fins mécanismes de leur fabrication ; d’apparence relativement monochromes lorsqu’elles sont présentées sur leur recto, elles dévoilent sur leur verso une bichromie plus distincte. Les couleurs y sont apposées en couches successives qui, par endroits, ne se mélangent pas : leur juxtaposition produit alors un effet nébuleux, presque tachiste. L’alternance entre grands et petits formats dévoile les variations induites par ce procédé ; plus le tableau est grand, plus le contraste entre les deux couleurs et les effets sont importants.
Par la mise à nu de son processus, Cécile Bart dévoile la sensualité incarnée de ses œuvres qui ne perdent rien de leur légèreté, mais acquièrent en sus une certaine profondeur. Cette nouvelle approche recentre le débat pictural sur les éléments constitutifs du tableau, les notions de fond et de forme étant problématisées par le truchement de ces zones colorées et irrégulières, qui se transforment par endroits en figures fantomatiques.
Ainsi s’installe, à la manière de Hans Hofmann, un push and pull – certes plus éthéré – dans lequel la figure et le fond s’interdéfinissent par le pouvoir de conversion de la limite et du jeu des valeurs chromatiques. La complémentarité des couleurs choisies et le mouvement du chiffon, étalant et essuyant la peinture – habituellement plus discrets – rendent visible toute la vibrance et l’intensité du tableau. Voilà qui confirme les grands talents de peintre et de coloriste de Cécile Bart.