LE DOUBLE
Artistes :
John M ARMLEDER, Cécile BART, Jean Charles BLAIS, Pier Paolo CALZOLARI, Jennifer DOUZENEL, Minjung KIM, François MORELLET, Pascal PINAUD, Vladimir SKODA, Xavier THEUNIS, Gérard TRAQUANDI, Michel VERJUX, Claude VIALLAT.
Pour l'édition 2020 de la FIAC, la galerie Catherine Issert imagine un accrochage autour du DOUBLE.
Cette figure symboliquement complexe a toujours bénéficié d'une grande fortune littéraire et artistique. Cela est certainement dû au fait qu'elle met en jeu des questions ontologiques et philosophiques profondes, en témoigne la profusion de mythes traitant de cette notion depuis l'Antiquité.
Lorsqu'elle est envisagée comme le produit d'une imitation, le double est l'horizon de la mimésis. Derrière la dualité se profilent ainsi Pygmalion et Narcisse, mythes de la confusion du réel et de l'imaginaire, de l'effacement de la frontière entre le sensible et l'intelligible, la vie et le marbre - ou la toile peinte. Mais depuis l'âge de la reproductibilité technique, la figure du double s'est teintée des préoccupations propres à notre époque. Nous nous sommes peu à peu éloignés de la dialectique platonicienne du vrai et de l'apparence, dans laquelle l'original correspond à la réalité tandis que le double y est toujours tromperie, fiction ou illusion. Depuis les théories de Freud et de Rank, qui utilisent la figure du miroir, et l'image inversée qu'il renvoie, comme interface constitutive du soi, il est admis que l'original et la réplique peuvent tous deux relever de la fiction de l'individu - ou de l'œuvre.
Le terme double est également, depuis Jacques Derrida et Michel Foucault, traité comme structure et outil linguistique : à la question du double se greffe alors celle du langage, duplicata inséparable de la réalité puisqu'il permet d'en rendre compte. Derrida s'intéresse en particulier au terme et à ses synonymes « contradictoire, indécidable », théorisant ainsi la dualité comme répétition : s'il reproduit, le double modifie également, offrant la possibilité d'un autre sens, d'une autre lecture.
Epicentre de cette proposition, une Furniture Sculpture (1990) de John M. Armleder : devant deux toiles monochromes orange et rose, surmontées toutes deux d'une bande rouge, deux canapés d'inspiration baroque en soie rose sont disposés. Comme pour mettre en scène l'œuvre la galerie propose à John Armleder d'accompagner cette installation d'une peinture murale inédite. On y retrouve cette position toujours volontairement décalée de l'artiste, chez qui le bon goût bourgeois succède au kitsch californien, le Biedermeier aux années cinquante et l'occasion au flambant neuf.
Par la mise en relation de peintures et de meubles industriels, Armleder banalise l'œuvre d'art au travers du décoratif. Le double peut ici citer la production en chaîne, les deux canapés étant identiques. Mais Armleder nous rappelle surtout qu'avant toute chose, le double, c'est ce qui multiplie par deux un objet. Ce qui, derrière cette évidence, constitue le point de départ d'un ensemble infini de possibilités formelles entre le contraste et l'équilibre, l'appropriation et la critique, le ludisme et le premier degré.
Autour d'elle seront réunies des œuvres de Cécile Bart, Jean Charles Blais, Pier Paolo Calzolari, Jennifer Douzenel, Minjung Kim, François Morellet, Pascal PINAUD, Vladimir Skoda, Xavier Theunis, Gérard Traquandi, Michel Verjux et Claude Viallat qui toutes, traitent de la dualité dans sa diversité et ses nombreux sens, que celle-ci s'exprime sous la forme de dytiques, d'œuvres miroirs, de positif - négatif ou encore jouant d'une parfaite symétrie.